Depuis nous sommes les heureux parents de Kuia, une femelle Strigops kakapo maintenue sur l’île de Maud (Maud island) en Nouvelle Zélande. Pour la 4 ème année consécutive nous avons reconduit l’adoption grâce notamment aux fonds récoltés par la tombola organisée lors de notre exposition d’automne.
Le Strigops habroptila, aussi appelé perroquet-hibou ou whakapapa, est un oiseau de l’ordre des Psittaciformes, de la famille des Strigopidae (comme le Nestor Kéa) et de la sous-famille des Strigopinae. Son nom signifie Oiseau de Nuit en Maori.
Le Kakapo est un oiseau qui par sa situation autrefois privilégiée car sans prédateur naturel, a pu donner libre court à ses envies en s’adaptant à son environnement sans aucune menace. En effet, c’est le seul perroquet nocturne, c’est aussi le plus lourd (4 kgs pour un mâle). Il ne sait pas voler mais est un formidable grimpeur. Il niche très souvent au sol mais on trouve des nids jusqu’à 20m dans les arbres. Il caractérise sa présence par des sons très bas à forte raisonnance, une forte odeur musquée et une grande curiosité. Il est naturellement peu farouche et non agressif.
Comme autres particularités il est le seul perroquet à détenir un harem et participe à des joutes entre mâles pour conquérir ses femelles.
Son espérance de vie est estimée aux alentours de 90 ans ce qui ferait de lui le doyen du règne aviaire.
Quand les hommes ont colonisé leurs îles vierges, ils ont apporté avec eux la panoplie “règlementaire” de prédateurs. Les chats et rats s’en sont donné à cœur joie, s’attaquant aux oiseaux et aux nids. Leur disparition est également due à l’introduction volontaire d’hermines et de furets pour lutter contre la prolifération des lapins. Ils ont également remplacé avantageusement le poulet sur les tables des colons. Enfin l’exploitation des terres agricoles a dangereusement réduit leur espace vital.
Ajoutez à cela que leur instinct de reproduction est stimulé par la fructification du Rimu (Dacrydium cupressinum), plante endémique à la Nouvelle Zélande qui ne produit que tous les 2 ans, et vous comprendrez aisément les difficultés pour l’oiseau à survivre. Comme si cela ne suffisait pas, les fruits du Rimu sont des friandises non négligeables pour les prédateurs du Kakapo.
Le Kakapo est protégé depuis la fin du XIXème siècle où déjà il était estimé environ 200 spécimens. Il représentait jusqu’alors le 3ème oiseau le plus fréquent en Nouvelle Zélande. On l’a cru longtemps complètement et irrémédiablement éteint (ou presque) puisque le nombre de reproducteurs était devenu insuffisant pour maintenir un sang correct, jusqu’à ce qu’on retrouve une colonie dans une île voisine, mais elle aussi en proie à la disparition.
C’est ainsi qu’il a été décidé de disperser les oiseaux restants dans 4 îles voisines, à l’abri des prédateurs. Aujourd’hui, après avoir essuyé une hémorragie qui a vu la population se réduire jusqu’à descendre sous la barre psychologique des 50 individus, la tendance à la croissance a repris et les efforts se portent sur la production de femelles et la richesse sanguine.
Notre choix s’est porté sur Kuia car elle est la dernière femelle descendante des gènes des premiers couples qui ont été protégés (Richard Henry). Elle est prête à reproduire alors tous les regards sont braqués sur elle. Si elle s’avère féconde alors ce sera une victoire pour la sauvegarde de l’espèce.
Kuia est née en 1998. Kuia veut dire en Maori sage et vieille femme. Elle et ses deux frères Sinbad et Gulliver portent en eux les gènes des derniers spécimens protégés avant que l’on retrouve une nouvelle souche. Pour cette raison ils incarnent tout l’espoir de la survie de l’espèce.
Alors que Kuia a pour la première fois connu l’amour à 17 ans et que des petits sont nés en 2016, on apprend qu’un mal singulier s’attaque aux Kakapos. Dans la langue de Shakespeare cette maladie est appelée “Crunchy butt” littéralement “Cul croustillant“. On pourrait en rire si cette nécrose qui envahit le pourtour du cloaque de l’oiseau n’était pas mortelle, complètement inconnue et terriblement contagieuse. Fort heureusement, les oiseaux atteints ne sont répartis que sur une seule île et les précautions ont été prises. Kuia et ses petits sont hors de portée et ils se portent comme un charme.
il apparaitrait que l’on ait pu identifier l’hormone contenue dans le rimu (le kakapo ne reproduit que si la plante fournit des fruits) qui déclencherait l’éveil des sens chez nos (très peu) volatiles préférés.
Le Kakapo Recovery nous informe des résultats du programme de sauvegarde. Le graphique ci-contre représente la distribution de l’espèce par régions. En vert et en bleu ce sont les points de répartition historique, Stewart Island où le programme de protection s’était installé, et Fiordland la dernière zone sauvage en Nouvelle Zélande. Le jaune représente les spécimens qui ont été réintroduits sur les îles vierges : Whenua Hou (Codfish Island), Anchor Island et Hauturu o Toi (Little Barrier Island). Le rouge représente les naissances sur ces îles.
Surprise ce matin en ouvrant la boite aux lettres, Kuia est arrivée. Enfermée dans son carton elle a patienté une éternité puisqu’elle a fait le voyage depuis la Nouvelle Zélande jusqu’à nous, soit un trip de 18 739,812 kms.
Dans quelques semaines, et durant toute la saison, la nuit retentiront les appels des mâles à travers les vallées des îles sanctuaires des Kakapos. C’est aussi l’occasion de reprendre contact avec les rangers du Kakapo recovery, en particulier Bronwyn Jeynes.
On le sait maintenant, le programme de conservation initié par Richard Henry en 1894 commence à donner des résultats, puisque la population de Kakapos augmente de manière significative. Si bien que ces non-volatiles commencent à être à l’étroit. En ont résulté une tragédie et des désagréments.